Dans son livre « L’Afrique, nouvelle frontière du djihad », le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos démonte un certain nombre d’idées reçues à propos de la lutte armée islamiste sur ce continent. Il s’inquiète de voir se multiplier les biais chez des décideurs politiques et militaires occidentaux qui se basent sur leur réalité à eux, plutôt que sur celles des publics concernés.
Dans son ouvrage, Marc-Antoine Pérouse de Montclos revient aux fondamentaux en étudiant les réalités sociologiques et politiques des individus engagés dans le djihad en Afrique subsaharienne. Il commence par démontrer que historiquement, différents courants de l’islam ont eu recours aux armes sur ce continent, parfois même en opposition avec les communautés du Moyen-Orient. Pour lui, la thèse d’une « internationale djihadiste » relève du fantasme. Sans nier des échanges de compétences ici et là, il note que les combats sont avant tout locaux.
De même, la propagande numérique mobilisée pour le recrutement reste selon lui négligeable en Afrique subsaharienne : « Au Sud du Sahara, les réseaux sociaux sur Internet n’ont pas joué le rôle qu’ils ont pu avoir dans les métropoles occidentales.«
Il note ainsi qu’en dehors du Mali et de la Mauritanie, la plupart des pays durement touchés par le djihadisme ne sont pas des pays fortement connectés : Nigeria, Niger, Tchad, Soudan, Ethiopie ou encore Somalie. Surtout dans les régions où les combattants se mobilisent.
Citant plusieurs sondages réalisés auprès de captifs nigérians ou somaliens, il remarque que les combattants ne citent pas Internet comme un élément de leur quotidien susceptible de les mobiliser. Eux fonctionnent selon des dynamiques locales : défense d’une cause politique face au gouvernement, ralliement à des proches convaincants ou vengeance de parents disparus, par exemple.
Si Internet joue un rôle, c’est en permettant à des candidats au djihad de la diaspora de communiquer entre eux à travers le monde. Mais ce ne sont pas eux qui construisent l’ossature de groupes comme les Shebab ou Boko Haram.
Il est important de bien comprendre ces logiques car pour obtenir des effets sur ces individus, il faut utiliser les bons vecteurs de communication. S’ils sont plus sensible au prêche dans la mosquée du coin qu’à des vidéos en ligne, il n’y a aucun intérêt à préparer des campagnes d’influence qui leur soit destinées sur la toile. De même, l’auteur note que des campagnes militaires qui ne traitent pas des causes réelles du conflit (inégalités, tensions politiques, pauvreté, corruption…) n’ont que peu de chances de venir à bout de ces mouvements.