La ministre des Armées et les principaux dirigeants des armées et de la direction générale du renseignement extérieur (DGSE) ont mené le 1er février 2021 leur comité exécutif sur le contre-terrorisme. L’exercice a été médiatisé avec, notamment, une diffusion en direct sur les réseaux sociaux des principaux discours. La lutte contre l’influence des djihadistes a été largement évoquée.
Florence Parly : faire face à un ennemi agile
Dans son discours, la ministre des Armées liste, parmi les grands défis de la lutte contre le terrorisme, les « champs de bataille immatériels ».
Elle précise :
« Dans les champs du cyber et de la manipulation de l’information, les groupes terroristes montent en gamme et s’adaptent. Pour faire face, le ministère des armées a investi le champ de la lutte contre le terrorisme dans toutes ses dimensions et sur tous les théâtres d’affrontement. Notre organisation se réforme en permanence pour s’adapter à cet ennemi diffus, agile, inventif. […] [Nous ne menons pas qu’] un combat intégral dans le champ de bataille physique mais aussi dans les nouveaux champs de conflictualité, le cyber et la lutte informationnelle. Car lutter contre le terrorisme, ce n’est pas seulement engager le combat à la source, les détecter et déjouer les attaques. […] Cela implique aussi, ici en France et en Europe, de se protéger des guerres d’influence et de désinformation auprès des populations, qui jouent sur les perceptions, par des conflits d’image, la manipulation des faits et d’idées savamment orchestrées sur les réseaux sociaux. Dans ce cadre, la coordination avec le ministère de l’Intérieur est essentielle. »
Général François Lecointre : les armées en première ligne
Insistant sur la nature politique de l’engagement djihadiste, le chef d’état-major des armées a intégré l’influence dans l’ensemble de la description qu’il fait des efforts militaires contre le terrorisme. Il a évoqué des « actions permanentes dans le cyber espace » qui « visent à interdire l’utilisation du cyberespace par les groupes terroristes » :
« Dans le milieu cyber, les armées ont un mandat de lutte contre la propagande terroriste menée depuis l’étranger dès lors qu’elle porte atteinte aux intérêts français. A partir de la veille des réseaux sociaux, le comcyber contribue au signalement et à la suppression de produits de propagande et cela dans un travail de coordination étroite avec l’interministériel et l’interallié. »
Grâce à « des actions d’influence au Levant comme au Sahel [et] sous l’effet de l’action cyber qui est menée en étroite collaboration avec nos alliés américains, les moyens de propagande et de recrutement adverses ont dû quitter les réseaux sociaux de masse comme Facebook et Twitter. […] Nous conduisons également des actions cyber-offensives sur les groupes terroristes, permettant le renseignement, la réduction ou la neutralisation de capacités adverses, ou la modification de leurs perceptions. […] Les armées sont menantes dans la coopération franco-américaine en ce qui concerne les opérations d’influence, en particulier sur les théâtres de nos principales opérations extérieures. »
Bernard Emié : mystérieuse DGSE
Le patron du renseignement extérieur n’a à aucun moment évoqué aucun des concepts liés aux affrontements informationnels. Mais n’a-t-il pas profité de ce discours pour mener quelques opérations, ciblant l’adversaire, souvent très attentif à ce type de prises de parole ? La DGSE, habituellement extrêmement discrète sur son travail, annonce ici haut et fort par la voix de son directeur deux actions réalisées sur des groupes djihadistes sahéliens.
La première vise le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM/JNIM), affilié à Al Qaeda. Il diffuse une vidéo datant de février 2020 dans laquelle on voit Iyad Ag Ghali, Amadou Koufa et Abdelmalek Droukdel. Ce dernier est tué quelques mois plus tard et Bernard Emié répète qu’il a pu être repéré grâce à ce type de renseignement, d’origine humaine. Le message est clair : il y a des traitres jusqu’au plus haut niveau.
La seconde, relevant du même principe, cible l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS). Il s’agit d’une photographie d’Abdoul Hakim al-Sahraoui, cadre de premier plan. Le message est probablement le même ici. Même si les images diffusées n’ont en réalité pas été visibles sur les réseaux sociaux.